Parce qu'il faut bien contrebalancer les points positifs, je me lance dans l'évocation de ce qui m'a posé problème lors de ce GN. je tiens à préciser avant tout que je salue l'effort fourni par toutes les personnes qui ont travaillé d'arrache pied pour créer un jeu, une ville et un univers denses, cohérents, superbe à grand renfort de prouesses techniques et de travail de réflexion et d'écriture en amont. Merci à vous (pour plus de détails, voir le sujet correspondant
http://joyeuxchaotiks.org/forum2/viewtopic.php?f=272&t=6328&p=75134#p75134 ).
Il me semble pertinent de nuancer ce qui a posé spécifiquement problème à notre groupe au sein du GN de ce qui me semble concerner le jeu en lui même.
Pour notre groupe, la Ligue Smalkalde, autant la lecture des aides de jeu et des éléments de back nous a convaincu que le Tempus Fugit était un GN très ambitieux qui serait riche en termes de population, d'intrigues et de scénario, autant la lecture des backs individuels a été décevante. Pour ma part, et je crois que c'est le cas de la majorité d'entre nous, l'histoire de mon personnage était extraite de wikipedia (Philip 1er de Hesse), entrecoupée avec une brève description des membres de mon groupe et de notre trajet vers Venise. Quant à celui-ci, il était justifié par le fait que Martin Luther nous conduisait à Venise pour le Concile, et nous expliquerait bientôt la raison de ce périple.
Malheureusement, lui-même n'a pas trouvé d'explication réelle sur ses motivations à ce sujet, si ce n'est tenter de participer au Concile pour faire accepter la Réforme par l'Église. Devant l'évidente impossibilité de ce rêve d'avoir lieu, nous en avons déduit être un groupe "hérétique" qui se devait d'être présent pour que les autres groupes puissent lui "mettre sur la gueule", si vous me pardonnez l'expression. Nous nous en sommes très bien accommodé, décidant de donner autant de raisons que possible aux inquisiteurs (qui seraient forcément présent et remontés contre nous) de se débarrasser de nous dans une belle scène de martyr.
En dehors de ça, notre unique autre raison de venir (hormis la participation d'un d'entre nous à un wargame boursier sur lequel je ne me prononcerai pas, n'y ayant pas participé, qui lui permettait d'échanger du salpètre contre du blé, peu utiles au cours du jeu), était de nouer une alliance avec d'autres protestants (Huguenots et Zwinglistes) pour se défendre contre les oppressions catholiques. Un peu léger, mais nous nous attendions à de nombreuses surprises après le départ du jeu, qui viendraient perturber et animer notre séjour à Venise.
Le début du jeu tient ses promesses, nous découvrons une ville superbe, des personnages hauts en couleur, et rencontrons assez vite Zwingli et ses compagnons, puis Henri III de Navarre, avec qui nous nouons rapidement une alliance (qui ne se verra validée qu'après moult ré-écritures et diètes helvétiques, merci à eux !
).
Par ailleurs, il s'avère très vite impossible, malgré toute la diplomatie du Cardinal de Sion et de quelques autres catholiques enclins au débat, de participer au Concile. Nous nous accordons donc sur le fait d'organiser, après la fin du Concile, un débat avec les cardinaux, afin de débattre de la Réforme. Celui là ne pourra jamais avoir lieu, le Concile étant infini et mobilisant les cardinaux, qui avaient bien trop d'autres affaires politiques à gérer en dehors du Concile pour nous accorder leur temps précieux (quand on leur disait qu'il ne fallait pas mêler affaires temporelles et spirituelles...
)
A ce stade, ne sachant plus vraiment quoi faire, nous faisons tout pour créer du jeu, espérant bien nous faire assassiner/massacrer/torturer/bruler (rayer la ou les mentions inutiles). Malheureusement, les inquisiteurs nous expliqueront après le jeu avoir eu tellement à faire avec les vrais hérétiques de la ville qu'ils n'ont pu consacrer leur temps et instrument à de dévots croyants tels que nous, qui appliquions mieux les Écritures que la majorité des Catholiques, et ne posions problème "que" par notre refus du Dogme.
Au final, nous sommes assez vite tombé d'accord avec nos alliés, et continuons bien sûr à jouer avec eux avec grand plaisir, et nos ennemis ont d'autres hérétiques à fouetter. Nous sommes allé au bout de nos maigres objectifs (même s'il ne faut pas résumer le jeu aux objectifs, ceux-ci ont l'intérêt de créer du jeu), et nous ne sommes mêlés à aucune intrigue. Pire, les positions de nos personnages nous interdisent la participation à la majorité d'entre elles. Nous ne sommes en lien avec aucun personnage de Venise ou d'autres délégations (les seuls connaissances évoquées dans les fiches de perso sont les membres du groupe) et n'avons que peu de choses à faire avec eux.
Nous finissons donc le week-end entre prêches férocement hostiles envers les membres de l'Église (textes du prophète Michée sur les faux croyants, entre autre), affichage des thèses de Luther sur les portes de l'église, appel à une guerre à la sortie de la messe, et autres provocations, dans l'indifférence la plus totale (si ce n'est un lancer massif de polenta à la tête de Luther, lors du premier repas, lors de son seul acte non provocateur - une lecture sereine d'un texte des Évangiles appellant à la paix entre les hommes).
Globalement, nous avons souffert de backs persos vraiment légers, de l'appartenance à un groupe venu à Venise sans réelle motivation, d'une absence complète de liens avec d'autres personnages et avec les intrigues.
Jouant un Prince, il m'était encore relativement possible de créer du jeu politique avec nos alliés et ennemis, mais les membres de rang inférieur de notre troupe se sont vus limités à des rôles de gardes du corps, affiliés à des Princes Protestants qui n'ont pas été, contre toute attente, inquiétés plus d'une fois. Une grande partie d'entre nous, en désespoir de cause, en vient à "quitter le cadre de leur rôles" et à se mêler aux fêtes décadentes de la Comedia Azzarte, et à participer à la défense de Venise face au "panzer-tempus-char-mécanique" afin de se créer un peu de jeu.
Cela ne nous a pas empêché de faire du jeu entre nous, de beaucoup s'amuser, d'interagir avec nos amis helvétiques et huguenots. Mais il reste une grosse déception d'avoir été plus spectateurs/figurants qu'acteurs d'un jeu qui semblait, par ailleurs, très dense, complet et riches.
Concernant, maintenant, le GN dans son ensemble, j'ai déjà mentionné les points positifs dans le sujet correspondant (et en ai sans doute oublié). Je vais essayer de faire bref, et de n'être pas trop redondant avec les avis déjà évoqués :
- Le tournoi de la Sfida s'est révélé vraiment très très très long. La majorité des gens avec lesquels nous voulions interagir (pour organiser un prêche) samedi après-midi avaient des compagnons y participant, et ils nous a fallu attendre très très très très longtemps que la Sfida se termine. Autant cet événement était sympathique, superbement mis en scène, et intéressant, autant sa durée (et le volume sonore qu'il impliquait) a fini par m'être pénible. Peut-être aurait-il fallu plus de "tours" à 3 contre 3 ou 4 contre 4 afin de réduire la durée de l'ensemble.
- De même, j'ai eu la sensation que le Concile durait une éternité. Je pense que cela rejoint certains avis sur le manque d'équilibre des problématiques proposées au sein de chaque rôle. Certains personnages n'étaient jamais disponible pour nous rencontrer, tant leurs objectifs, intrigues et réseaux étaient denses. D'autres personnages étaient beaucoup plus légers en termes d'ouverture vers le jeu, et se trouvaient parfois, de plus, bloqués par l'indisponibilité des personnages très chargés en contenus.
- L'aspect financier du GN était très complexe, et pas expliqué. Il nous a fallu un très (trop) long moment avant de comprendre, que malgré notre maigre fortune en poche (nous étions tout de même 2 Princes dans le groupe), nous avions accès à des fortunes en banque. Puis il nous a fallu un très (trop) long moment pour comprendre comment utiliser cet argent en dehors de la bourse. Résultat : un (long) début de GN lors duquel je vois des gens acheter des tableaux pour 2 millions de sequins alors que j'ai du mal à offrir à manger à mes gens... Bon, peut-être sont-ils plus malins que moi, cela dit, une explication préalable, au sein des règles, aurait permis à tous de démarrer le jeu en même temps (en ce qui concerne les affaires financières). De même, les règles du Wargame n'aurait-elle pas pu être expliquées en amont ? Notre marchand était un joueur peu expérimenté, et il lui a fallu six tours de jeu pour assimiler le fonctionnement de la place boursière.
- Le film et le feu d'artifice du samedi soir constituent un gros point négatif à mes yeux. A un moment très faible (à mes yeux, et dans ma situation) en termes de dramaturgie, suite à un dîner très tardif et longuet (j'ai appris par la suite l'existence d'un nombre de problèmes logistiques qui expliquent et excusent ce point), je n'ai pas du tout compris ce qui m'arrivait : je sors de l'auberge, il ne se passe rien, et tout à coup, le micro annonce qu'il faut patienter pour voir le défilé des mutemps. Tous les joueurs dans les environs patientent donc, et j'assiste à une forme de "coupure de jeu" (les gens restent en-jeu, mais interrompent toutes leurs pérégrinations pour assister à ce qui va suivre une installation matérielle assez importante. Au final, après une longue attente "à vide" (les gens jouent mais toute matière narrative est suspendue), nous assistons à un (très) long feu d'artifice, suivi d'un (assez) long film vidéo-projeté, avant d'assister, enfin, au défilé des mutemps.
Je ne saurais dire combien de temps tout cela a duré, mais ce fut long, et douloureux pour ma part. Le feu d'artifice m'a semblé sortir de nulle part, et avoir vraiment très peu d'intérêt. Autant sur le Mordheim (même si cela m'avait déjà paru très long), le feu d'artifice avait une justification scénaristique, autant à Venise, et bien... il était très superflu. De même, le film n'apportait pas grand chose, je trouve, si ce n'est mettre en "histoire" un élément du back connu de tous. Il m'aurait semblé beaucoup plus approprié d'envoyer un conteur narrer cette histoire, que de sortir un arsenal vidéo et infographique. Le film est froid, n'est pas humain et place, comme le feu d'artifice, les personnages (et donc les joueurs) dans la position de spectateurs et non plus d'acteurs. Cela crée une inévitable "sortie de jeu". Ajoutons à cela la longue attente liée à l'installation technique, et vous obtenez mon sentiment d'être à nouveau moi-même (et non plus mon personnage), allant à un spectacle, qui, en soi, n'a que peu d'intérêt dans le contexte qui m'entoure.
Le défilé des mutemps, était, a contrario, un vrai élément de jeu, intégrant des personnages de l'univers que nous avions en commun, et un spectacle humain (façon de parler ^^) et plaisant, mais qui a été gâché, pour ma part, par la longue séquence extradiégétique qui l'a précédé.
Voilà, je ne reviendrai pas sur ce qui a été dit par d'autres au préalable. Nous avons passé un bon moment, mais ce ne sera pas un GN que je qualifierai de mémorable pour ma part. Peut-être y a-t-il eu trop de joueurs pour offrir à tous des backs suffisamment denses et complets. Cela dit, je salue une nouvelle fois le travail accompli, et vous félicite, au vu de l'ensemble des retours positifs d'une majorité de joueurs, pour avoir mené à bien ce projet fou !
Bertrand
Tempus Fugit - Prince Philip 1er de Hesse (Ligue Smalkalde - Luthériens)